A FRANCIS...
A FRANCIS PEREZ, dit CASTILLO.
Francis, homme de cœur s’il en fût, unanimement apprécié
pour sa bonhommie et sa générosité, a été trahi bien trop tôt par le sien de
cœur, hélas pressé d’en finir si brutalement.
Cette issue tragique et soudaine, nous devrons tenter de la
dépasser en gardant surtout de lui des beaux souvenirs qu’il nous a légués, souvent
liés au partage, à la convivialité et à la joie de vivre qui l’ont toujours
caractérisé.
Ainsi, en pensant à lui, je me rappelle mon enfance à BARCUGNAS
(ou PAILHET), véritable village dans les années 50/60 avec ses agriculteurs et
ses éleveurs, les vaches de Pozzeto, des Gaciots, de Gimeno, qui élevait aussi
des moutons comme Jeannot Ballarin ou la famille Arrazau, le beau percheron
tirant un tombereau de Francisco et j’en oublie…
Des personnages hauts en couleur, comme Romain Sanson et
sa fière moustache, ou le père Raufast, le caviste, le vieux Menjon, maire
autoproclamé de la « commune libre », et tant d’autres...
Bien sûr, venaient compléter le tableau devant la gare,
quelques chevaux et les dernières calèches, supplantées par les mini bus des
transporteurs Sanson, et Magdinier ou Saint-Raymond qui livraient aussi du
charbon ou du fuel, et enfin le marronnier, entouré, devant la chapelle, d’une
murette où nous nous retrouvions le soir entre copains et copines..
A l’arrière, les bassins des abreuvoirs, non loin du lavoir
collectif aujourd’hui disparu avec le canal qui l’alimentait.
Evidemment trônait aussi face à l’église le Café des Sports,
chez Gaston, et ses parties de cartes et de billard, bien arrosées de « chopines »
ou de « fillettes » de vin du dimanche soir, dans une atmosphère
teintée de l’acre fumée du tabac gris.
Les quatre épiceries du quartier, chez Cazes, chez Marie
Sanson, chez Péloso et chez Dossat, avec son petit bar, sa graineterie et son
bureau de tabac, témoignaient de la vivacité du petit commerce local.
Trois pensions de famille, chez Barrau, chez Deu et chez
Sacarrère, et la boucherie Bedin complétaient le service à la population.
Francis a côtoyé comme moi ce quartier typique à la fin de
cette ère post-guerre, assez vite balayée par l’arrivée du « modernisme »
des Trente glorieuses.
Ses parents, Félicité et Jean-Louis, tenaient l’hôtel
restaurant de la Gare (aujourd’hui résidence le Baliran) avec une très belle
clientèle de cheminots, d’ouvriers et de touristes, fidèles jusqu’à leur départ
pour La Petite Auberge, qui devint rapidement une des meilleures adresses
d’Hôtel-Restaurant à Luchon et les curistes ne s’y trompèrent pas.
Durant ces années « PAILHET », c’étaient pour nous,
gamins, les cabanes dans les forêts et la châtaigneraie, au-dessus du Cap deth
Mailloc, vers Moustajon.
C’étaient aussi les parties de foot dans les champs derrière
les ruines du YOYO, puis du Bâtiment du CLAIR SOLEIL, création du Docteur Lama :
nous attendions d’ailleurs avec impatience la venue estivale des monitrices qui
encadraient les jeunes enfants venus en cure.
Une espèce de Guerre des boutons larvée s’annonçait lorsque
l’on évoquait « ceux » du COURTAT.
Et pour les plus délurés, l’enchantement et le toussotement causés
par les premières cigarettes : les P4 (4 cigarettes dans un mini paquet de
« Parisiennes »).
Mais le temps s’est égrené et a peu à peu érodé cette
atmosphère rurale et villageoise !
Ce n’est qu’au milieu des années 70, que j’ai vraiment fréquenté
la joyeuse bande que Francis et quelques autres amis avaient constituée autour d’eux
: la location d’une maison chez « Peye » (Sabathé) à Pratvieil, était
sans nul doute le galop d’essai d’une discothèque que Francis rêvait
certainement de monter à l’avenir.
Ce furent aussi les années PENALTY, ce bar qui était notre
« Maison », celle de ma première bande d’amis (ceux du Foyer des Jeunes
et d’Education Populaire de Luchon), tenu par le formidable couple constitué
d’Eugène et Simone Laffont fauchés en plein succès dans un accident de la
route.
Francis ne tarda pas à prendre le relais dans cette
véritable institution avec son épouse Chantal.
Quant à moi, fidèle client, je l’accompagnais souvent en
montagne, en reconnaissance d’hypothétiques chasses à l’isard.
Mais cela relevait davantage du prétexte et d’une promenade pour son fusil que de la recherche d’un exploit digne d’un Nemrod luchonnais, (espèce pourtant répandue dans notre territoire).
Je me remémore notamment un soir où, pris par un terrible orage nous avions trouvé refuge à la cabane du PESSON, bien reçus toutefois par Mr Andrillon, le berger sur l’estive : nous avions partagé alors avec quelques jeunes chevreaux et chevrettes une litière de paille bien venue.
Et le lendemain, l’odeur qui nous collait à la peau ne laissait aucun doute sur la nature de nos compagnes de couche !...En tout bien tout honneur cependant, je l’affirme !
Francis était aussi alors dirigeant du BLS où il avait la responsabilité de l’équipe réserve notamment. Et il nous recevait souvent dans son bar pour des troisièmes mi-temps joyeuses et bien arrosées.
Nous formions un groupe avec de fortes personnalités prêtes
à toutes les occasions festives ou les animations les plus improbables…j’en ai
gardé quelques photos !
En 1977, alors que j’effectuais mon service militaire, Castillo,
comme nous surnommions Francis parfois, m’avait contacté avant l’été pour
l’ouverture de l’ILIXON : mon passé de serveur au dancing du Casino de
Luchon pendant trois saisons où j’avais appris le métier sous la houlette de
vrais pros (Léon Binos et Yvonne Puyol) plaidait en ma faveur. Ayant pu bloquer
mes permissions pour la période d’été, j’acceptais le challenge et nous
ouvrions la boite avec lui, Chantal, Christine et toute leur famille, ainsi que
Christian Lacorte aux platines.
Ce fut un succès immense, immédiat, foudroyant et durable.
Tout l’été, les afters au Pénalty (chez Conso) ou au
Montagnard (chez Yves et Lili) pour dévorer des steaks-frites ou des
croque-Monsieur dès la fermeture de la « boite », rythmaient une vie
trépidante et déphasée. Mais quelle joie et quelle ambiance de camaraderie,
inoubliables !
Toutefois, ma vie personnelle, professionnelle et sportive
m’a dès l’automne conduit vers Salies du Salat et Toulouse et je suis dès lors devenu
un client plus épisodique et nos contacts sont restés très amicaux mais plus
espacés.
La vie est ainsi faite, de rencontres, d’amitiés, de temps
forts, de périodes de breaks, de retrouvailles.
Mais ce qui est remarquable avec Francis c’est qu’il avait
su faire vivre une forte relation durable avec ses « conscrits » de
la classe 1953, dont Pierre, son ami de toujours, qui se retrouvaient et se
retrouvent encore régulièrement, ensemble pour des repas en commun ou même pour
boire simplement un café, très souvent chez Odette, l’amie fidèle de laquelle
il s’était rapproché depuis plusieurs mois.
Francis, qui, avec son frère Nano, a exemplairement
accompagné jusqu’au bout ses parents, était un homme attentionné pour ses
proches et ses amis, mais aussi pour ses deux filles Marina et Ambre qu’il chérissait
beaucoup.
Il avait aussi deux chiens fidèles qui le suivaient partout
et dont l’affection atténuaient ses souffrances d’une cruelle maladie très
invalidante.
Nous allons accompagner Francis vers sa dernière demeure,
chacun avec sa somme de souvenirs partagés et j’en suis convaincu, la balance
penchera certainement vers ceux qui se rattachent au bonheur et à sa joie de
vivre qu’il avait si bien su faire partager.
Adieu Francis, adieu l’ami : je suis fier et heureux
d’avoir emprunté avec toi quelques bouts de nos chemins communs en ce Pays de
Luchon tant aimé.
Repose en paix, ou plutôt prépare nous une belle ambiance
pour le jour où nous viendrons immanquablement te rejoindre.
Jean-Louis REDONNET
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