LES PUTES VOILÉES N'IRONT JAMAIS AU PARADIS


Les putes voilées n'iront jamais au paradis
Chahdortt Djavann
Grasset


Chahdortt Djavann, née en Iran en 1967 et vivant à Paris depuis 1993, nous assène, avec ce roman, dur, au langage parfois très cru, un réquisitoire dérangeant et même parfois difficilement supportable, sur le statut et le sort d’un grand nombre de femmes et de jeunes filles dans un Iran aux mains de mollahs, tout puissants, souvent obsédés, bigots et tartuffes, qui ne reculent devant rien pour satisfaire leurs pulsions sexuelles, tout en imposant leur pseudo moralité rigoriste aux autres.
Comme la prostitution n'existe pas dans cette théocratie chiite, des « brillants esprits » ont promu le sigheh, une espèce de mariage en CDD, le prix payé du plaisir étant considéré comme l’équivalent d’une dot.
Voilà comment, par un tour de passe-passe juridique, l’obstacle est levé : la prostitution n’existe pas, (même si de temps en temps on lapide quelques putes).
De plus, puisqu’une femme ne vaut que la moitié d'un homme, une pute (même sous le voile) n’a donc pas une grande valeur humaine ; celui qui la supprime pour arracher le pays à l’immoralité, est finalement un bon musulman qui applique la « douce » loi coranique, une sorte de pieux héros.
L’auteur a choisi de décrire la destinée  de deux jeunes filles amies, d’une très grande beauté, en l’associant aux témoignages de prostituées mortes, lapidées, pendues, étranglées, fouettées à mort. Ces femmes expliquent pourquoi elles sont « tombées » dans la prostitution.
On patauge dans la misère, la plus noire, la plus sordide, celle d’une société à l'esprit gangréné.
Pour beaucoup c'était tout simplement pour survivre, puisque rejetées par leur famille suite à un viol,  déclarées "impures". D’autres se sont prostituées pour maintenir leur famille, ou encore pour fournir de la drogue à leur mari ou leur frère junkie.
Et ces deux jeunes adolescentes n’échapperont pas à leur destin tracé.

Ayant assisté récemment à la projection au cinéma Rex de Luchon, en avant première, du film-documentaire « Des rêves sans étoiles », de Mehrdad Ouskouei, je n’ai pu m’empêcher de faire un parallèle avec ce roman.
La thématique en est très proche, mais les conditions de tournage du film ont assurément imposé ou induit chez le réalisateur une approche beaucoup plus « nuancée » et prudente du rôle et de la position du pouvoir en place, dans le sort que le chiisme actif et militant assigne à la femme iranienne.
Un bien long chemin reste à parcourir pour une émancipation totale de la femme dans ces régimes théocratiques aux mœurs moyenâgeuses.
Mais voilà un roman que je recommande vivement à tous, et en particulier pour ceux et celles  qui seraient tentés par une dérive islamiste radicale et fondamentaliste. C’est aussi plus largement un sacré uppercut pour sortir de l’angélisme ambiant face à un pouvoir exercé par les régimes religieux ou qui s’en réclament, et ce, quel qu’en soit le dieu.
Notre propre histoire en Occident en porte aussi de lourds témoignages.

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