LETTRE À HERMINIA ...
LETTRE À HERMINIA .....
Un siècle : 100 ans d’une vie rude et traversée de tant de drames, de tant de guerres
meurtrières et de leurs séquelles économiques et sociales.
Un siècle marqué par
la lutte incessante entre les républiques démocratiques et les dictatures, ce qui reste pourtant
toujours, malheureusement, un thème d’actualité.
Comme l'écrivait Berthod Brecht, dans la Résistible Ascension d'Arturo Ui : "Le ventre est encore fécond d'où est sortie la bête immonde..."
Herminia,
aujourd’hui si frêle et si menue, tu as traversé tout cela avec une volonté
farouche, une ardeur au travail inépuisable, un fort caractère, bien trempé par
les épreuves de la vie, une gentillesse naturelle et un souci permanent des
autres et bien sûr de ta famille.
Tu fais
partie de ces générations qui se sont sacrifiées pour leurs aînés et leurs
enfants, se privant souvent de tout pour espérer assurer leur réussite et leur
confort.
Ces
dernières années, ton esprit s’est parfois un peu égaré, mais dans le monde que
tu as souhaité te construire et conserver dans ta tête, vivent encore
régulièrement ceux qui t’ont été si chers : ta mère Maria, qui vivait avec
nous et dont tu t’es occupée jusqu’au bout, ton père Alfonso, trop tôt disparu,
à qui tu voues une admiration et une véritable adoration, lui ce madrilène lettré, secrétaire de mairie à Bausen et Canéjan, marié à une jeune paysanne aranaise analphabète, et enfin tes petits enfants,
surtout ce petit, dont on ne sait lequel il est, mais qu’on t’ a laissé en
garde et qui s’échappe régulièrement, te causant ainsi beaucoup de tracas.
Ici, Herminia aux cymbales et ton frère Alfonso à la mandoline, accompagnés de quatre jeunes compères , vous entourez le facétieux violoniste Alfonso, votre père, qui savait amener la joie de vivre autour de lui...
Ta mémoire
ancienne est encore bien vivace et tu racontes souvent ton enfance à Bausen, à San
Roch, à Carlac, le chemin jusqu’à Pontaut, où gamine, tu gardais des enfants de
carabiniers et remontais au village souvent à la nuit tombée.
Carlac et sa forêt magique de hêtres fantastiques qui me fascinent toujours...
Puis avec le décès de ton père et la guerre civile en Espagne, ce fût l’exil familial vers la France et le Luchonnais... Comme foule de réfugiés fuyant le franquisme.
Dans ces temps troublés, tes premiers et chers patrons étaient devenus une
seconde famille : Georges et Catherine Lebreton, du Bar Georges, dont tu gardais les enfants
Simone et Jojo.
Ta rencontre avec Louis, bien sûr, qui est devenu ton mari, avec qui tu as partagé soixante ans de vie commune.
Mobilisé en 1939, il partit sur le front de l'Est et du Nord, puis bloqué dans la poche de Dunkerque, il réussit à être embarqué par la royal Navy, pour regagner l'Angleterre avant d'être démobilisé....
Votre mariage en fin 1940, à Barcugnas, accompagné de vos familiers et amis, les Dusastre, les Espin, les Artigue, les Deu, les "Gaciots", Carmen Cambronero...
Un premier enfant , ma sœur aînée, Jeanine, née en 1943...
La famille s'agrandit : ici les deux mamies Marie et Maria, Hermine , Jeanine mon aînée, Pierre, le cow boy, moi et ma sœur de cœur et d'enfance, Marie-Pierre, mon inséparable voisine....avec cette "irrésistible" mode des blouses vichy et déjà mon goût précoce pour les bretelles !!!
Et le travail ensuite, une constante préoccupation pour toi....
Les collègues du travail ou tes patrons comme les familles Laffont et Bacqué boulangers et pâtissiers de renom,
ou Germaine dans l'équipe de l'Hôtel d'Angleterre.
Et encore
les ménages des meublés de Mme Loubet, souvent en duo avec Jeannine Dedieu, ton
amie.
La famille, bien sûr, a beaucoup compté : ici les deux grands mères Marie et Maria, Manuel un cousin, Alfonso ton frère et son épouse Lili, avec trois de nos cousines Mamie, Josette et Rose-Marie, ma sœur Jeanine et mon frère Pierre....
Car ton frère
Alfonso, est toujours resté bien présent dans ton esprit, lui, patron de la boulangerie Valdès et
Riegel, sur la place du Marché ; lui qui faisait les tournées dans les villages des
vallées du Larboust et d’Oueil où il était fort apprécié.
Nous nous
retrouvions souvent chez eux, avec son épouse Lili, leurs quatre
filles, nos cousines, et Paul son beau-père, dans ces temps lointains où l’esprit
de famille et la solidarité avait un véritable sens concret.
Une sortie de "Pasquette" en famille à partager l'omelette à Gouardère, une estive familiale..
Tu as été et tu restes une très belle femme,séduisante,
"avec des yeux "revolver", avec un regard d'un bleu qui tue,
et Louis a été touché : c'était foutu..."
Je le comprends parfaitement !
Avec ta
volonté farouche d’autodidacte, toi, peu scolarisée, tu as acquis, à force de
lectures, un Français parfait et une orthographe tout aussi remarquable.
Je t’ai
toujours admirée pour cela et j’ai toujours accordé beaucoup d’importance à
l’écriture des textes et à la qualité de leur rédaction, qui pour moi sont des
signes de respect pour l'autre, lectrice ou lecteur.
Rien que
pour ce détail là, Merci à toi, Herminia.
Et ta vie s’est
déroulée ainsi, toi toujours active et attentionnée, jusqu’à ce jour où il te fallut bien
quitter ton domicile, la mort dans l’âme.
Mais nous avons su, je le crois, t'accompagner comme tu l'as mérité amplement.
La fête de mères 2018 avec deux de mes petites filles Inès et Julia
Ton 99ème anniversaire en 2019, où tu prouves que tu restes la plus rapide pour dégainer, ta coupe !
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Aujourd’hui,
Herminia, tu vis à Era Caso, dans la sécurité, bien entourée et choyée par tout
le personnel, et nous te voyons régulièrement même si les restrictions de
visite dues au Covid 19 ont lourdement pesé sur vous, nos aînés, générant frustration
et incompréhension légitimes.
Fort
heureusement, les conditions aujourd’hui s’humanisent un peu plus.
En ton jour
anniversaire, un peu spécial pour ces mêmes raisons sanitaires, nous avons tenu
à venir te rendre un hommage mérité, en partageant ce moment de convivialité
bien venu, et rendu possible grâce à la bonne organisation de toutes les
équipes, des services et de la direction de l’EHPAD.
Nous les en
remercions très vivement.
Un magnifique gâteau pour tes 100 ans...en compagnie de quelques unes de tes amies d'Era Caso.
Alors, je
crois qu’il est temps, après tout ce verbiage, de passer aux choses sérieuses,
et de te souhaiter pour conclure enfin, au nom de tous les miens, un très bon et très heureux centième anniversaire, et une bonne fête des mères,
Herminia, ma chère mère.
1 commentaires
Bon anniversaire Herminia
RépondreSupprimerJ ai eu la chance de croiser ton chemin et a travers tes yeux si clair j ai appris ce qui était le don de soi et le partage.
Dans ce monde si dur tu as su créer ton jardin où nous étions tous invités a partager tes "merveilles".Il y a des moments que ont oublie jamais.
Dans ce jardin chaque rose sont tes enfants et petits-enfants. Merci a eux d être eux