mercredi 30 mai 2018

"ENTRE NAVARRE ET PAYS BASQUE "NOIR"

LA TRILOGIE DU BAZTÁN
Dolores REDONDO
Folio Policier




“Si vous voulez y comprendre quelque chose, arrêtez de vous demander si c’est logique et commencez à admettre que c’est réel, que la foi a des conséquences sur la réalité. ”


J'avoue avoir été happé et envoûté par l'écriture de Dolores Redondo, au point de ne pouvoir résister à la tentation de lire, in extenso et sans aucune pause, les 3 volets successifs de ce remarquable roman noir, mais pas seulement noir. 


Le rythme, les rebondissements, l'identification quasi automatique et fusionnelle qu'elle produit chez nous, en nous poussant dans les traces les plus rapprochées de l'héroïne, l'inspectrice Amaia Salazar, nous amènent progressivement et au fil des enquêtes à pénétrer et connaître  ce farouche et déstabilisant territoire aux confins de la Navarre et du Pays Basque, froid, pluvieux, foudroyé d'orages fréquents, havre de pratiques sectaires effrayantes et diaboliquement organisées, au fil des eaux sombres et glaciales du Baztán, la rivière omniprésente dans ce récit. 

Sa terre d'origine, une terre authentique, avec ses légendes, ses croyances, ses forces occultes, ces hommes et ces femmes étranges, qui viennent percuter jusqu'à notre intimité, nos propres repères, nos convictions, nos certitudes, comme ils mettent personnellement à l'épreuve la policière, dont ils ravivent les blessures à travers les souvenirs de son passé, les déchirures de sa famille et ses secrets enfouis.
Nous cheminons avec elle, dans une espèce de psychothérapie personnelle dont on découvre les mobiles, les méandres et les meurtrissures tout au long de ces trois romans qui se complètent idéalement.

Mêlant très habilement les techniques policières les plus avancées en terme de renseignements et de technologies scientifiques, aux légendes, aux mythes vivaces dans cette contrée, dont la connaissance va s'avérer déterminante dans la résolution de nombre de questions, la romancière très prolixe fournit à notre imaginaire un dédale assez extraordinaire dont on sort épuisé, meurtri et un peu désorienté, tant la tension et le suspens sont formidablement entretenus. 

La noirceur du récit, des crimes perpétrés, des trahisons, des amitiés qui se font et se défont, ne découragent pas le lecteur, bien au contraire, même si on sort de cette trilogie un peu abasourdi, convaincu que tout peut encore survenir mais que l'instinct de survie reste le plus fort et le plus précieux.

Vous l'aurez aisément compris, c'est un vrai "coup de cœur"  que j'ose vous conseiller dans cette catégorie littéraire, même si les âmes sensibles seront assurément perturbées et déstabilisées.

TODOS LO SABEN

EVERYBODY KNOWS de Asghar FARHADI
avec Javier Bardem, Pénélope Cruz et Ricardo Darin.




Ce film qui ouvrait le Festival de Cannes 2018, m'a laissé une impression très mitigée.
Certes le casting est prestigieux mais il ne suffit pas d'additionner les vedettes pour garantir la qualité absolue.
Et là, Pénélope Cruz force un peu trop le trait, sans compter que quelques longueurs et une intrigue trop prévisible à mon goût ne m'ont pas réellement emballé.
De belles séquences et de belles lumières, mais c'est tout ce que j'en retiendrai, à vrai dire.
Un film correct donc, qui se laisse voir, mais qui ne m'a jamais entraîné dans un tourbillon teinté de fantastique ou de passion comme le VOLVER de Pedro Almodovar, que je lui ai largement préféré.

mardi 29 mai 2018

APRES LE RÊVE...LE CAUCHEMAR AMERICAIN

CEUX D'ICI
Jonathan DEE
Plon- Feux croisés

Pourquoi ai-je eu du mal à lire et m'approprier  ce livre de l'un des plus brillants auteurs de l'Amérique contemporaine ? 
Certainement à cause du pessimisme qu'il sécrète ligne après ligne, (ou du moins de ce que j'en ai ressenti), de cette Amérique traumatisée et déstabilisée par le 11 Septembre 2001, dans ses fondements, ses valeurs fondatrices, son fameux rêve américain, et dont le repli populiste qui s'en est suivi, va amener l'élection de Trump que Jonathan Dee a anticipé à la façon d'un visionnaire et l'émergence et la prééminence des thèses du Tea Party et des groupes identitaires dans le débat idéologique. 
La fulgurante ascension de Philip Hadi est ainsi prémonitoire de ce qui s'est produit aux Etats Unis pour l'élection présidentielle de Novembre 2016.

C'est une chronique de l'Amérique profonde, d'un coin du Massachusets bouleversé et envahi par les élites qui, en s'éloignant craintivement de leur mégapole New-York, amènent avec elles leur vision affairiste, sécuritaire et individualiste, leur puissance financière et leur capacité à tout résoudre par l'argent, dans un monde rural peu préparé à cet accueil.
Jonathan Dee parvient ainsi à peindre une Amérique, sous le trauma des attentats, qui doute profondément d’elle-même, se réfère désespérément à ses postulats et ses mythes d'origine quitte à les bouleverser ou à les pervertir. 
Il démontre  comment des discours ou des messages portés par la plupart des médias et des réseaux sociaux ont pu largement se diffuser et imposer leurs visions angoissantes et anxiogènes sur l’état du pays et plus largement du monde. 
Ce roman s'affirme comme une description assez fouillée du présent de ce territoire en pleine mutation, sous les contrecoups de la crise économique mais aussi morale et idéologique, tout en mettant paradoxalement ce moment traumatique à distance. 
Globalement, cette façon de questionner la Crise, dans toutes ses dimensions sous la forme d'une chronique villageoise et des agissements de ses acteurs parfois antagoniques et ballottés dans des parcours personnels ou professionnels chaotiques m'a moi aussi gardé à distance et dérangé certainement dans mes convictions, par l'impossibilité ou le non désir d'identification à ces personnages ou à une dynamique sociale si individualiste et quelquefois paranoïaque.
Peut-être une seconde lecture, dans quelques temps, me réconciliera-t'elle complètement avec ce roman, écrit toutefois d'une façon assez brillante.